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Peut-on interdire la production et la vente de cannabis dans sa municipalité?

Le nouveau cadre législatif entourant, entre autres, la culture, la vente et la consommation du cannabis est en vigueur depuis le 17 octobre dernier. Cette réalité amène divers acteurs à s’interroger sur les répercussions des nouvelles mesures relativement à la santé, à la criminalité et aux effets sur le tissu social. Diverses questions reviennent couramment si bien que certaines municipalités pourraient, dans les prochains mois, être tentées par la possibilité d’interdire totalement les activités liées à la culture et la vente de cannabis sur leur territoire en se servant des règlements d’urbanisme. Peuvent-elles le faire? La réponse impliquera sans doute la recherche de solutions alternatives.

Au sens de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, un règlement de zonage ne peut interdire un usage licite sur l’ensemble du territoire de la municipalité à moins que ce soit principalement pour assurer la conformité au schéma d’aménagement et de développement. Par ailleurs, elle ne peut pas autoriser dans son règlement de zonage des usages dans des zones où leur implantation est tout simplement irréalisable pour différents motifs, sans quoi, les tribunaux peuvent invalider de telles dispositions. Pour ces diverses raisons, une municipalité ne peut interdire totalement la production et la vente de cannabis sur son territoire.

En dépit de cette réponse, le milieu municipal est-il à court d’options? Doit-il laisser passer le train de la légalisation en gardant les bras croisés? À ce sujet, la Fédération canadienne des municipalités (FCM) dans le Guide municipal sur la légalisation du cannabis avance, au niveau de la sphère de l’urbanisme, que

« L’emplacement, l’échelle et la densité des activités de culture du cannabis et des établissements de détail auront une incidence réelle sur les collectivités locales (…) les points de vente au détail auront un effet sur le profil socio-économique d’un quartier(…) ».

Solutions à une prohibition totale

Considérant cette mention de la FCM, il apparaît nécessaire pour les municipalités d’envisager une façon d’encadrer de tels usages pour éviter ou diminuer certains effets qui pourraient être négatifs sur leur territoire et la population. C’est pourquoi des solutions alternatives à une prohibition totale peuvent être mises en place, notamment :

  • L’autorisation de vendre et de produire du cannabis dans certaines zones municipales seulement. À titre complémentaire, rappelons que le gouvernement du Québec ne permet la vente de cannabis que par l’entremise de la Société québécoise du cannabis (SQDC), et qu’une distance minimale définie selon les modalités prévues dans la Loi encadrant le cannabis doit être respectée entre tout établissement de cette société et une école.
  • Permettre la vente de cannabis sous certaines conditions en se servant d’un règlement municipal sur les usages conditionnels. Le conseil municipal se trouverait alors dans une situation où il pourrait imposer toutes conditions qu’il jugerait appropriées à un usage associé au cannabis tout en respectant les compétences des municipalités.

Questions à se poser pour une analyse préliminaire

Ces exemples de solutions nécessitent cependant une analyse préliminaire par le conseil municipal. La municipalité a aussi tout intérêt à associer son comité consultatif d’urbanisme et ses citoyens à cette démarche afin d’établir un portrait éclairé et proposer des solutions socialement acceptables. Ces différents acteurs, avec l’aide de l’administration municipale, doivent examiner les endroits les plus adaptés à l’établissement de ces activités de vente et de production. À juste titre, la proposition de la FCM doit être considérée dans l’examen de ces endroits avec l’objectif de minimiser du mieux possible les effets qui pourraient être jugés néfastes pour la population. Voici quelques exemples de questions utiles à se poser :

  • Veut-on permettre la vente de cannabis à proximité de secteurs résidentiels?
  • Veut-on autoriser ou prohiber la vente de cannabis dans des secteurs reconnus pour attirer les touristes et la « faune nocturne »?
  • Veut-on cibler certaines zones agricoles où la culture de cannabis sera autorisée ou l’élargir à toute la zone verte?
  • Veut-on permettre la production dans les zones industrielles?

Dans le contexte de la recherche de solutions alternatives, les municipalités peuvent également consulter leur conseiller juridique pour obtenir des conseils quant à l’importance des modifications à apporter aux règlements d’urbanisme. Un tel conseil s’avère important, puisque peu de municipalités au Québec semblent avoir agi en ce sens jusqu’à maintenant. À titre d’exemple, elles auraient intérêt à analyser la classification des usages apparaissant dans leur règlement de zonage de façon à examiner la possibilité de créer un usage relatif à la vente de cannabis et un autre usage relatif à sa production. Sinon, de tels usages pourraient être assimilés à d’autres usages ou catégories d’usages plus généraux. Si aucune action n’est prévue en ce sens, la vente et la production de cannabis risquent alors d’être autorisées dans des zones moins propices à leur situation. Les municipalités doivent donc entreprendre un examen approfondi de cet enjeu si ce n’est pas déjà débuté. Pour toute question sur ce sujet, contactez notre Service de la gestion des risques.

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Écrit par

Me Antoine Pleau-Trottier

Superviseur | Gestion des risques

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